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Fabrication d'une cabine d'ascenseur

Dans cet article, je vais vous conter l’histoire d’une belle aventure humaine : celle du chantier de la cabine d’ascenseur Bernascon. 

Ce chantier est en effet le n°1 des chantiers les plus complexes et les plus complets sur lesquels j’ai travaillé et cela depuis mes débuts en menuiserie qui datent de 1988 !

Au départ, le monde des ascenseurs m’était totalement inconnu, j’ai donc dû me familiariser avec son vocabulaire (gaine, étrier, opérateur, guides, tôle, chasse pieds, panneau de commande), ses normes et son fonctionnement...

Mais au-delà de cet environnement, il m’a fallu comprendre comment intégrer ma cabine dans cette belle mécanique.

Mais ces difficultés ne suffisaient pas ! Tous les travaux devaient être contrôlés par un cabinet d’architecture Archibat, spécialisé dans les monuments historiques, pour que l’esthétisme et les règles de l’art soient respectés étant donné que l’hôtel Bernascon fait partie du patrimoine historique remarquable et est un monument classé), . J’ai donc suivi les conseils de ce cabinet pour reproduire la cabine telle qu’elle était à la Belle époque. 

J’ai donc été contacté par Philippe Peignier (Ingénieur en ascenseur) en octobre 2019 et nous avons discuté longuement afin que je comprenne très précisément ce que l’on attendait de moi. Je voulais être sûr d’être à la hauteur de ce chantier hors norme avant de m’engager. 

Revenons en à la partie historique du bâtiment, l'hôtel Bernascon est un ancien palace-hôtel situé à Aix-les-Bains, dans le département de la Savoie en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Édifié entre 1897 et 1900 sous les ordres de l'architecte lyonnais Jules Pin (à qui l'on doit également le château de la Roche du Roi), il a été transformé en hôpital militaire pendant la guerre en 1914 puis en 1943, l'hôtel Bernascon cesse son activité en 1956 et est vendu en copropriété en 1960. Il est en partie détruit par un grave incendie dans la nuit du 17 au 18 août 2015. Grâce à l'intervention de plus de 80 sapeurs-pompiers, l'aile sud de la résidence a pu être épargnée par les flammes. L'édifice fait l’objet d'une inscription partielle au titre des monuments historiques depuis le 24 avril 1986 puis d'une nouvelle inscription le 12 juillet 2021. (à gauche Philippe et à droite Guillaume). 

L’équipe était composée de quatre entreprises dont l’entreprise principale OTIS (l’ascensoriste) représentée par Patrice, technicien et l’entreprise d’Alexandre Rosa (RENA) qui a effectué la rénovation de la gaine, et de la structure métallique de la cabine. Cette entreprise a été mon donneur d’ordre.

 

J’ai travaillé principalement avec Guillaume, technicien, et Philippe Peignier qui est un ingénieur spécialisé dans la rénovation des ascenseurs (ASCODIA). Philippe m’a accompagné pour la réalisation des plans de l’interface entre les éléments mécaniques et la cabine bois. (sur la photo, vous trouverez à gauche Philippe (encore lui) :-), au milieu Alexandre, et à droite, vous le reconnaissez ?!)

Une fois que le devis a été accepté, il allait falloir convaincre l’architecte, car l’équipe m’a bien fait comprendre que l’ascenseur est la partie centrale du hall d’entrée, et est la carte de visite de l’hôtel ! Pour le convaincre, j’avais pris tous mes éléments habituels, c’est-à-dire des échantillons de moulures petits cadres et grands cadres, des détails d’assemblage de coupe à 45, des panneaux bois, des propositions de finition et mon book de photos Finalement, la présentation n’a même pas duré 5 minutes ! L’aventure avec un grand A pouvait véritablement commencer ! 

La semaine suivante, nous sommes retrouvés pour une visite du chantier avec une prise de dimensions rigoureuse. A ce moment-là, je me suis dit : " mais Fortin dans quoi tu t’es aventuré ?!", 5 étages, gaine entièrement grillagée… impressionnant et magnifique ! 

Pour coucher tous les traits sur une feuille de papier, il aura fallu environ trois semaines d’études. Pour m’aider, Alexandre a fait livrer l’étrier, le panneau de commande, le tôle chasse pied et l’opérateur à l’atelier. Ainsi, j’avais une idée exacte des pièces et leurs vraies dimensions ! Philippe est venu plusieurs fois à l’atelier m’expliquer le rôle des pièces, comment elles interagissent entre elles, les dimensions importantes à respecter et le fonctionnement des éléments de sécurité. Lors de ces visites, Philippe en profitait aussi pour corriger les plans. 

L'usinage n'a pas posé de difficulté particulière. Ce ne sont que des montants et traverses assemblés par des tenons et des mortaises avec des coupes à 45°, des panneaux bois, des feuillures, rainures… La réelle difficulté concernait les moulures du chapeau de la cabine qui sont monumentales. Plus de 20 passes à la toupie auront été nécessaires pour usiner certaines moulures. Certaines d’entre elles ont nécessité la fabrication "de fer". Pour cela, il faut tailler un morceau d'acier de la forme de la moulure qui servira d'outils pour façonner la moulure selon la forme définie. Aujourd'hui, cette technique n'est plus enseignée, car elle est dangereuse et complètement interdite par le code du travail pour les menuisiers salariés dans les entreprises.

Le chantier s'est terminé par la pose. Dans le chansonnier compagnonnique, il y a une strophe sur une chanson du "Menuisier" écrit par Pierre-Le-Saintonge qui est : "Au chantier, c’est le défi". Lorsque nous avons commencé à assembler les pièces, je l’avais secrètement en tête, car j’étais dans mes petits souliers, pour faire entrer toutes les pièces dans la gaine sans les abîmer et pour finir de les assembler. Cela a été loin d’être simple ! J'étais bien content d'être accompagné de Guillaume et de Philippe pour profiter de leur expérience et leur professionnalisme. Je me suis senti beaucoup plus léger lorsque le socle, les 4 panneaux d’ossature, le plafond et le chapeau ont été montés. En effet, le plus gros travail était terminé !!! La cabine pouvait monter et descendre grâce au moteur auxiliaire et je la regardais fonctionner comme un enfant regarde son train miniature !!!

C’était maintenant aux autres intervenants de prendre le relais en travaillant sur la partie électrique, en reliant les câbles avec le moteur et le contre poids, en réglant l’automate, et en posant les portes en verre, le parquet bois et les éléments de sécurité (qui permettront son entretien annuel) …

Je suis retourné une dernière fois sur le chantier pour fixer le panneau qui cache l'opérateur des portes de la cabine de l'ascenseur. Cette pose signifiait la fin de mon intervention et de mon travail.

 

Sur la photo Patrice de chez Otis procède au montage des éléments de sécurité.

Pour marquer la fin de la restauration, et l'inauguration de la partie réhabilitée, les co-propriétaires du Bernascon a organisé une belle réception, ponctuée de discours des acteurs majeurs de ce chantier hors norme. Cette réception a eu lieu en septembre 2022.

Je terminerai cet article par un grand merci à Philippe qui a pensé à moi dès qu'il a eu connaissance du projet et qui m’a apporté une aide précieuse. Je tiens aussi à remercier Alexandre pour sa confiance dans ma capacité à réaliser ce projet, mais aussi Guillaume pour son professionnalisme. Un énorme merci à tous les 3 pour votre gentillesse et votre bonne humeur.

 

Thierry Fortin

Site internet du Bernascon : http://lebernascon.fr

Page Wikipédia : Hôtel Bernascon — Wikipédia (wikipedia.org)

Site internet ASCODIA :  https://www.bureau-ascodia.com

Site internet RENA : https://renovation-ascenseurs.fr

Site internet OTIS : https://otis.com/fr

Site Cabinet architecture Archipat : https://www.archipat.fr

Site Cabinet architecture Archipat, onglet Bernascon :  https://www.archipat.fr/projets/lhotel-bernascon-daix-bains/